vendredi 19 juillet 2013

revue de presse : Bernard Minoret, écrivain et personnage romanesque, n'est plus

C'est une personnalité profondément originale, généreuse et attachante, qui s'est éteinte à Versailles, le 7 juillet, à l'âge de 85 ans. La poétesse anglaise Vita Sackville-West supposait que l'on naissait "soit esprit libre, soit prisonnier" : nul doute que Bernard Minoret appartenait à cette première espèce toujours singulière et de plus en plus raréfiée.


Bernard Minoret en 2009 dans l'émission "Un livre, un jour" d'Olivier Barrot

Stature de colosse surmontée d'un immense crâne chauve, profil d'empereur romain, éternelle Philip Morris aux lèvres, on croisait souvent son élégante silhouette nonchalante entre le quai Voltaire et le boulevard Raspail, dans ce VIIarrondissement où fleurissait depuis cinquante ans sa discrète légende. Portraituré avec brio et tendresse aux côtés de Jacques Fieschi et Fabrice Luchinipar Claude Arnaud dans Brèves saisons au paradis (Grasset, 2012), " Barnie " a fini par devenir le personnage romanesque qu'il était.

SON GÉNIE DANS SA VIE
Né à Paris le 7 février 1928, dans un milieu bourgeois raffiné, il fut assez privilégié pour penser - comme Oscar Wilde - que le travail est un refuge pour ceux qui n'ont rien de mieux à faire. De fait, il mit son talent dans quelques livres et tout son génie dans sa vie. Après un premier roman, La Camarilla (1954), son goût passionné de la conversation et de l'amusement lui font préférer l'écriture d'œuvres à quatre mains.

Co-auteur avec Philippe Jullian d'une hilarante suite de pastiches, Les Morot-Chandonneur (1955), saga d'une famille française " rédigée " par une théorie de plumes allant de Sade à Ionesco (réédités chez Grasset en 2009), il s'attaque ensuite au théâtre avec La Fuite en Chine, pièce écrite avec Danielle Vezolles, préfacée par Barthes et montée par Alfredo Arias en 1982.

INLASSABLE GOURMANDISE
Viennent ensuite Les Salons, cosignés avec Claude Arnaud à partir des lettres de Mme du Deffand, Walpole, Julie de Lespinasse et Guibert - dernière création deMadeleine Renaud au Théâtre du Rond-Point en 1985. Il collabore aussi avec le scénariste et réalisateur Jacques Fieschi aux scripts du Roi de Paris (deDominique Maillet, avec Philippe Noiret, 1995) et à celui du Sade de Benoit Jacquot (2000).

Féru de littérature, d'histoire et d'art ; véritable bibliothèque vivante, cet " heureux du monde " ne puisait pas son immense érudition dans les vieux papiers mais aux sources vives que sa curiosité héliotrope élisait : êtres, visages, traits d'esprit, livres commentés avec une inlassable gourmandise. Intime de Marie-Laure de NoaillesLeonor Fini, Hélène Rochas, il avait aussi, avec son ami James Lord, fréquenté Picasso, Dora Maar et Cocteau.

PATRIARCHE DÉBONNAIRE
Ultime témoin de la Café Society, cette sorte de tribu cosmopolite composée dans les années 20 de l'ancien " gratin " aristocratique, de milliardaires et d'artistes, son ouverture généreuse aux autres et son humour en firent le patriarche débonnaire d'une " mini-Internationale du goût " accueillant sans préjugés cinéastes, acteurs, peintres, écrivains, qu'il appelait indifféremment " mon chou " ou " Bébé ".

On ne compte plus ceux qu'il a aidés, encouragés, renseignés - toutes générations confondues. Son salon champagnisé ressemblait à ces tableaux de groupes du XVIIIe siècle que les Anglais nomment Conversation piece. Il y en avait aussi sur les murs. Des miroirs de son art qu'il sera triste de devoir décrocher. - Cécile Guilbert (écrivain)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire