jeudi 26 décembre 2013

Une enfance de Jésus de J. M. Coetzee

  • livre en cours1974 : Terres de crépuscule (Dusklands)
  • 1976 : Au cœur de ce pays (In the Heart of the Country, adapapté au cinéma sous le titre Dust de Marion Hänsel en 1985) - 1977 : CNA Literary Award - Second roman du grand écrivain sud-africain, J.-M. Coetzee, Au coeur de ce pays est l'histoire hallucinée d'un drame en huis-clos. Dans une ferme isolée du veldt, quatre personnages ouvrent le récit. Magda, fille du maître, nourrie de solitude et de rêveries stériles, murée dans sa virginité. Son père, Baas, le maître, homme autoritaire et sanguin. Hendrik, le contremaître noir au service de la famille. Enfin Anna, sa jeune épouse que vient d'amener Hendrik lorsque débute cette histoire. Le père séduit Anna. C'est la dernière humiliation. Entre eux tous, et parce que les choses ne pouvaient pas se passer autrement, les offenses se répondent alors dans une violence extrême. Roman de l'oppression, de la haine et de la revanche Au coeur de ce pays est la métaphore bouleversante de la société sud-africaine contemporaine.
  • 1980 : En attendant les barbares (Waiting for Barbarians) - 1980 : CNA Literary Award - 1980 : James Tait Black Memorial Prize -Une oasis dans le désert, aux confins de l'Empire. Sur une cité paisible veille un homme juste et bon, le Magistrat. Seule marque de l'écoulement du temps : le cycle des saisons. Au-delà des frontières, une terra incognita parcourue par des nomades chasseurs. Pour la ville, une vague menace. Afin de prévenir les incursions des barbares, le pouvoir central organise des expéditions punitives. Les soldats rentrent avec leurs prisonniers qui sont ensuite affreusement torturés. Le Magistrat s'éprend d'une jeune prisonnière aux chevilles brisées. Il lui fait partager son lit, puis décide de la raccompagner chez les siens à la tête d'une expédition qui sera soumise à tous les périls : climat, espace qui se dérobe sans cesse, incompréhension des nomades. Convaincu d'intelligence avec l'ennemi, il devient lui aussi victime des tortionnaires, cependant que s'est déclenchée l'escalade des représailles. Les hostilités ont peu à peu vidé la ville de ses forces vives. Pillée par les soldats, désertée par sa garnison, elle attend, terrorisée, l'assaut définitif des barbares. Avec cette parabole sur le pouvoir et la liberté qui s'incarne dans des scènes d'une intensité cauchemardesque, J. M. Coetzee nous plonge dans un climat " de bruit et de fureur " qui n'est pas sans rappeler celui de son pays, l'Afrique du Sud
  • 1983 : Michael K, sa vie, son temps (Life and Times of Michael K) - Prix Booker 1983 et Prix Femina étranger 1985 - 1983 : CNA Literary Awards  - L'intrigue se déroule dans une Afrique du Sud ravagée par la guerre civile et retrace la vie du simplet Michael K qui est jardinier à la ville du Cap. Michael K traverse un pays qui souffre de ses inégalités, sa guerre et le souvenir de son passé.
    Le ton est spartiate mais pertinent, et Coetzee emploie un langage dépourvu de sentimentalité. Sa technique de récit est caractérisée par sa parcimonie.
    Comme toujours chez Coetzee, c'est l'homme que nous rencontrons. Son amour, ses faiblesses, sa barbarie. Michael K renonce à tout, il se dépouille entièrement, perdant jusqu'à sa dignité, à la recherche de l'essence même de son humanité. Le rapport à la mère et les névroses qu'il peut entrainer sont au cœur de ce roman.
  • 1986 : Foe (*)
  • 1990 : L'Âge de fer (Age of Iron)
  • 1994 : Le Maître de Pétersbourg (The Master of St. Petersburg)
  • 1997 : Scènes de la vie d'un jeune garçon (Boyhood. Scenes from Provincial Life) - John est un jeune Afrikaner qui vit en Afrique du Sud, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Élevé tranquillement entre une mère ancienne institutrice et un père avocat reconverti dans la comptabilité, il mène une vie partagée entre l'école primaire, les vacances et le quotidien familial. Un gosse comme les autres, à cela près qu'il entretient une haine sans faille pour les Afrikaners, lourds et ballots, dans une société où triomphent les hiérarchies, où les castes et les races sont bien distinctes : Afrikaners, Anglais, métis, Noirs, protestants, juifs. Portrait de l'Afrique du Sud des années cinquante, Scènes de la vie d'un jeune garçon se veut l'apprentissage de l'autre, des Noirs à côté des Blancs, l'épreuve des préjugés, des injustices, d'une vie quotidienne passée entre l'anglais et l'afrikaans. Mais c'est aussi l'histoire d'un enfant, ballotté entre une mère idéale et un père sans consistance, en pleine déconfiture. Avec un récit autobiographique faussement naïf, John Michael Coetzee, lauréat du Booker Prize en Grande-Bretagne pour Disgrâce, réussit une évocation remarquable des années cinquante, entre l'intime et le collectif, la mémoire individuelle et l'Histoire.
  • 1999 : Disgrâce (Disgrace) - Prix Booker  1999 
  • 2002 : Vers l'âge d'homme (Youth)
  • 2004 : Elizabeth Costello (*)
  • 2006 : L'Homme ralenti (Slow Man)
  • 2007 : Journal d'une année noire (Diary of a Bad Year)
  • 2008 : Paysage sud-africain
  • 2010 : L'Été de la vie (Summertime)
  • 2011 : Votre paix sera la mort de ma nation (préface), Hendrik Witbooi, Le Passager clandestin (éditions), 2011
  • 2012 : De la lecture à l'écriture
  • bien 2013 : Une enfance de Jésus (The Childhood of Jesus)

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  •  377 pages - bien
  • Editeur : Seuil (22 août 2013)
  • Le jeune David et Simon, son protecteur, sont arrivés – on ne sait d’où – par bateau au camp de Belstar, où ils ont été reconditionnés afin de s’intégrer dans leur nouveau pays : nouveaux noms, nouvelles dates de naissance (âge de 5 ans attribué à David, 45 à Simon), mémoire lavée de tous souvenirs, apprentissage rapide de l’espagnol, langue du pays. 
  • Puis ils ont traversé le désert et ont atterri au Centre d’accueil de Novilla, où les services publics leur allouent un logement – sans loyer – ainsi que maints services gratuits, et l’aident à trouver un emploi de docker. 
  • David ayant perdu en mer la lettre qui expliquait sa filiation, Simon se fait le serment de lui trouver une mère que son intuition seule désignera. Inés, une trentenaire, est l’élue. Elle accapare l’enfant, dont elle fait sa chose et le soustrait au système éducatif, par la fuite vers encore une autre vie. 
  • Coetzee s’intéresse-t-il au traitement utopique des réfugiés dans un système bureaucratique efficace et une société purgée de passion ? Aux rapports pédagogiques et tendres entre le gardien Simon et sa charge, David, enfant précoce, parfois cabochard ? Aux effets de l’ignorance dans laquelle se trouve un enfant qui ne connaît pas ses parents biologiques ? Autant de questions qui restent sans réponse, qui en amènent de nouvelles comme dans un cycle éternel.
  • lecture de septembre 2013
  •   1% Rentrée Littéraire 2013, chez Hérisson (delivrer-des-livres)
  • Un peu déçue par cette fable, on s'y perd, un vrai labyrinthe, parfois difficile à comprendre si bien que le temps semble long avec ce livre. Mais l'écriture est belle comme toujours.
  • Ainsi de cette référence à Jésus dans le titre. Faut-il la prendre au sérieux ? Et où mène-t-elle ? En cherchant, on trouve des rapports. David, qui prend en charge un enfant qu'il n'a guère demandé, ne pourrait-il jouer le rôle de Joseph ? Inès, qui est choisie pour assumer à son tour cette maternité tombée du ciel, n'est-elle pas dans la position de Marie accueillant la visite de l'ange Gabriel ? Et ce Juan (nom espagnol de Jean, « celui que Jésus aimait » dans le Nouveau Testament) qui monte à la fin dans la voiture de nos trois héros fuyant ne peut-il être le premier disciple ? David d'ailleurs ne bouleverse-t-il pas la vie des gens autour de lui, rien que parce qu'il existe et est différent ? Mais la question strictement religieuse est absente du livre, qui ouvre au contraire sur celle du pourquoi et du comment vivons-nous. 
  • David est à Jésus ce que Léopold Bloom est à Ulysse : une image projetée, un vague reflet, une allusion qui vit sa vie. On a tôt l'impression que ce côté allégorique est une façade et que Coetzee nous le jette en pâture comme une explication facile et un trompe-l'oeil pour se resserrer sur des interrogations à la fois plus simples et concrètes : comment élever un enfant, comment se passer de sexe, comment réfléchir à son travail et essayer d'en faire quelque chose ? Le livre est à la fois interrogation sur l'éducation, peinture d'un monde où la courtoisie et la bonne volonté tuent le désir, revendication d'un amour obstiné et sensuel, exposé de la douleur de l'immigration. Il nous dit que l'amour est à la base de tout, qu'il faut se bâtir son propre système de valeurs, ce que fait David en choquant ses professeurs par son refus de la logique arithmétique, comme Jésus enfant avait su le faire en prônant un enseignement différent de celui du temple. Mais faut-il vraiment prendre au sérieux ces « messages » ? L'apparente neutralité de Coetzee cache aussi une pointe d'humour et l'envie de jouer avec le lecteur.
  • La même mystérieuse distance se retrouve dans la peinture du pays où survivent nos héros. Novilla est une ville hispanophone où l'État semble avoir tout pris en main. Les nouveaux venus y sont immédiatement orientés et fichés, on leur fournit un logement et un travail. Simon est ainsi embauché sur les docks, où il fait avec des gens extrêmement sympathiques un travail plutôt inutile : il décharge du grain dans des entrepôts envahis par les rats. Le soir, il va dans un « institut » apprendre une philosophie stérile ou attendre son tour dans des bordels réglementés. Quand il essaie de convaincre ses amis de la nécessité de changer cette vie où le progrès est refusé et la productivité absurde, il se heurte à leur contentement passif. Est-ce à dire que Coetzee condamne ce socialisme chaleureux ou qu'il en fait une discrète apologie ? Ni l'un ni l'autre. Il pose le décor et en tire quelques leçons et contradictions, confrontant à ce mode de vie trop paisible la résurgence du désir chez son héros, qui demande l'amour et la passion quand on ne lui offre que la bonne volonté. Ce désir pourtant qui, dans Disgrâce ou dans son autobiographie, apparaissait aussi comme un fléau qui transformait les hommes en pantins ou en clowns...
  • Tout le livre, placé sous le signe de Cervantès, clairement nommé, et de Kafka, à l'influence récurrente, chemine, de question en question, sans jamais apporter de réponse claire, comme si les poser était déjà une victoire. Chaque fois qu'il croit avoir trouvé une solution, Simon est confronté à un autre problème et cherche à nouveau à le résoudre, jusqu'à cette évasion finale dont on ne sait si elle est une ouverture vers autre chose ou le début d'une fuite en avant qui n'aboutira qu'à tourner en rond. Coetzee se situe là dans ce registre de l'« angoisse comique féroce » avec laquelle il définissait l'art de ce maître revendiqué qu'est pour lui Samuel Beckett. - Hubert Prolongeau - magazine-litteraire
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