Aimer son pays au détriment des autres nations, être un patriote ardent jusqu’à l’exagération
Mais d’où vient ce qualificatif ? Le 19 mars 1831, on joua pour la première fois à Paris, sur la scène des Folies Dramatiques, une pièce en trois actes intitulée la Cocarde tricolore. Cette pièce, qui avait pour auteurs les frères Cogniard, était un épisode de notre guerre d’Afrique, inaugurée huit mois et demi auparavant par la prise d’Alger.
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Or, parmi les personnages, figure un jeune conscrit qui est loin de professer d’abord un grand amour pour les armes, et qui s’accoutume difficilement à manger du « chameau » ; mais il finit par prendre goût à la guerre et devient un vrai soldat. C’est lui qui chante :
C’est vrai qu’jeus peur au premier coup de feu. Mais quoiqu’ jadis j’nai manié que la bêche, J’fus bientôt r’mis, et de Chauvin, corbleu ! On n’rira plus ; car j’étais sur la brèche Au second coup de feu. |
Et Chauvin n’en veut pas rester là ; le premier pas, le seul qui coûte, et fait ; Chauvin ne rêve plus que conquêtes. C’est le tour des femmes, maintenant, et sur l’air de Amis, la matinée est belle, Chauvin médite, ni plus ni moins, l’invasion du sérail :
La deyess’ mêm’ ne m’échappera pas, Non, la deyess’ ne m’échappera pas. |
Notre jeune amant de la gloire et des belles est déjà aux pieds de Zuléma ; mais son acte d’adoration est troublé par Ali, l’homme « sans reproche » de ces lieux, comme on dit euphémiquement dans l’Oie du Caire. Ali fait barricader toutes les portes, fermer toutes les issues. Le ravisseur, qui s’est d’abord caché, rentre par la porte de derrière ; ils se battent en chantant à deux un couplet où voici la partie de Chauvin :
J’ crois, mon vieux, qu’ tu perds la tête. Nous verrons qui la gob’ra. Une, deux... par’ moi c’te feinte ; Si j’ t’attrap’, je t’éreinte ; J’ suis Français, j’ suis Chauvin, J’ tap’ sur le bédouin. |
La fortune favorise l’audace, a dit semble-t-il Virgile. Ali est désarmé, son cimeterre tombe. Chauvin, qui ne frappe pas un ennemi dans cet état, jette son sabre et propose la savate. Nouveau couplet à double partie, où l’enfant de la France fait entendre ces paroles :
Je vais te rouler par terre, N’en déplaise à Mahomet, Reçois cette calotte, Une, deux par’ moi cett’ botte : J’suis Français, j’ suis Chauvin, J’ tap’ sur le bédouin. |
La Cocarde tricolore, pièce patriotique s’il en fut, eut un succès qu’on peut dire prodigieux, sans avoir consulté la chronique théâtrale du temps. Il est donc facile de concevoir que, grâce aux deux couplets précédemment cités, l’expression de je suis chauvin ait pu, dans la langue familière, être prise dans le sens de : je suis bon patriote, comme venant après la phrase Je suis français, qui sert justement à exprimer la même idée.
Une chose qu’il n’est pas inutile de savoir sur le mot chauvin, c’est qu’une fois adopté comme adjectif, il s’est appliqué non seulement aux personnes, mais encore aux choses. Ainsi, dans son feuilleton dramatique du 16 mars 1869, Jules Claretie, de l’Opinion nationale, disait à ses lecteurs : « M. Alexandre Dumas a cru faire ainsi une pièce absolument républicaine. Il n’a fait qu’un dramechauvin de plus. »
je ne sais pas vous, mais moi j'adore les proverbes, expressions française et citations... alors de temps en temps j'aime bien en parsemer le blog, avec une préférence pour la revue la France Pittoresque.
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